Communiqué de presse pour la défense de la démocratie au Pérou
A la communauté internationale :
Le 24 décembre 2017, le président péruvien Pedro Pablo Kuczynski a accordé la grâce
présidentielle « humanitaire » à Alberto Fujimori, ancien président autocrate (1990-2000)
condamné, entre autres, pour crimes contre l'humanité et qui purgeait une peine de 25 ans. Il
est également accusé d’avoir commandité la stérilisation forcée de milliers de femmes et
d'hommes, pour la plupart des populations autochtones, ainsi que l’assassinat de six citoyens
de la communauté andine de Pativilca.
Contrairement à ce qui a été informé par les autorités péruviennes, la grâce concédée à Fujimori
n'est pas de caractère « humanitaire », mais de caractère clairement politique. En effet, elle a
été accordée sous forme de négociation, trois jours après qu’un bloc de députés fujimoristes,
dirigé par Kenji Fujimori, eut permis d'éviter l’inhabilitation du président Kuczynski. Nous
dénonçons cet accord car il représente la matérialisation d'un pacte d'impunité entre Fujimori
et le parti au pouvoir.
La grâce présidentielle comporte de multiples irrégularités sur la forme autant que sur le fond.
Premièrement, le processus n'a pris que 13 jours. Deuxièmement, la loi interdit d'accorder ce
type de pardon pour les cas de crimes contre l'humanité. Troisièmement, la complicité et le
manque de transparence de la part du Ministère de la Justice rend le processus clairement
douteux ce qui, quatrièmement, est renforcé par le manque d'impartialité de la commission
médicale chargée du rapport : cette commission a donné un avis favorable au pardon mais a
omis d’indiquer les raisons médicales qui le justifient. Cinquièmement, cette décision a été
prise sans dialogue avec les victimes. En effet, ces dernières avaient demandé pendant des
mois une rencontre avec le président au sujet de la grâce présidentielle sans jamais être reçues
ou entendues. Enfin, le pardon présidentiel a été critiqué au niveau international par les Nations
Unies et divers organismes défenseurs des droits humains, comme Amnesty International et la
Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme.
Nous sollicitons le soutien de la communauté internationale pour défendre la démocratie et
l'indépendance des institutions péruviennes, fortement menacées par la coalition entre le
gouvernement du président Kuczynski, Fujimori, et ses alliés. Cette coalition s’est d’ailleurs
attaquée, au cours de ces derniers mois, aux institutions, à l'équilibre des pouvoirs et à l’état
de droit. En tant que péruviennes et péruviens, nous exigeons l'annulation de la grâce
présidentielle à Fujimori ainsi que l’ouverture d’une enquête approfondie sur les cas de
corruption et de conflits d'intérêts en lien avec des personnalités telles que Mme Keiko
Fujimori, M. Kuczynski et d'autres cadres de la politique péruvienne.
Parce que la «réconciliation» ne doit être ni imposée ni négociée. Parce que les crimes contre
l'humanité ne sont pas des «erreurs» ni des «excès». Parce qu’on ne peut pas construire une
société démocratique si les droits humains ne sont pas respectés. Pour le soutien et la
solidarité avec les victimes du gouvernement de Fujimori. Pour la mémoire, la justice et la
dignité.
Paris, le 4 janvier 2018
Coordinadora Memoria Contra la Impunidad - Francia
coord.memoriacontraimpunidadfr@gmail.com
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