mercredi 26 février 2014

FRANCE-LIBERTES : La Coopération et les droits de l'Homme

Publication: 18/02/2014
 
LA COOPÉRATION FRANCE-PÉROU FOULE-T-ELLE AU PIED LES DROITS DE L'HOMME ?

Emmanuel Poilane
Directeur Général de France Libertés Fondation Danielle Mitterrand

Le 13 janvier 2014 le Congrès de la République du Pérou a adopté la loi n° 30151 qui modifie le code pénal et stipule que "'sont exempts de responsabilité pénale le personnel des Forces Armées et de la Police Nationales du Pérou qui, dans l'exercice de leurs fonctions, par l'utilisation de leur arme ou d'un autre moyen de défense, cause des lésions ou la mort".
Cela peut raisonnablement être interprété comme permettant n'importe quelle utilisation de la force, même si celle-ci est illégale selon le droit international .

La Fondation France Libertés, comme beaucoup d'acteurs de la société civile, est grandement préoccupée quant aux risques de répression du mouvement d'opposition au projet minier Conga que nous aidons depuis plusieurs années pour faire valoir leur droit à l'eau. Nous nous interrogeons notamment sur le rôle qu'aurait pu jouer la gendarmerie française dansla formation de la police péruvienne à Cajamarca sur le maintien de l'ordre public en novembre 2012.

Cette formation de trois semaines a consisté à "expliquer les standards internationaux en matière d'usage de la force pour contrôler des manifestations sans faire de victimes", a expliqué Pedro Villanueva, représentant du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Pérou, en Bolivie et en Equateur, hôte de la formation.

"Le message est que l'on peut utiliser la force pour contrôler des manifestations mais en respectant les droits humains fondamentaux et la meilleure façon de le faire est de disposer d'une police qui maîtrise les standards internationaux [...] La France a cette expertise technique, c'est pour cela que nous avons fait venir deux instructeurs du Centre d'excellence européen de l'ordre public, dont le siège est en France", a ajouté Pedro Villanueva.

Une formation, cinq morts par balles!

Malheureusement, nous pouvons douter des effets d'une telle formation quand nous savons qu'elle s'est déroulée à proximité du site du projet minier Conga, porté par le géant américain Newmont-Buenaventura, face auquel les populations locales résistent activement depuis plus de deux ans avec l'appui de leurs représentants politiques locaux. La répression de ce mouvement a déjà fait cinq morts parmi les manifestants depuis 2012.

"L'expertise" française en matière de coopération militaire au Pérou n'est pas sans rappeler la polémique autour des propos de la ministre des affaires étrangères d'alors, Michèle Alliot-Marie, qui, en pleine révolution tunisienne en 2011, déclarait que "le savoir-faire, reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité, permet de régler des situations sécuritaires de ce type".

Au regard de l'action de notre Ministère des Affaires Étrangères et de notre Ministère de l'Intérieur, il nous faut nous interroger car il semble que l'ambition économique des relations avec le Pérou semble faire oublier notre responsabilité internationale en tant que "Pays des Droits de l'Homme".

Nous ne pouvons laisser le pragmatisme économique qui était le cœur de la visite de notre Ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, au Pérou en janvier 2013, nous envahir et fouler au pied les valeurs de notre République par des coopérations policières indignes de la France.


Lire aussi:
•La Cour Internationale de Justice, le Pérou, le Chili et quelques questions de forme, par Nicolas Boeglin
 •Amérique latine: le réveil des sociétés civiles, par Georges Couffignal

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